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de ce qu’il venait de faire, et tout un immense renouveau d’amour pour le foyer et les chers aimés qui l’attendaient là-bas, et dont il s’éloignait toujours. À cet instant il pensa que c’est bien étrange de ressentir tant de chagrin et de ne pas mourir, et de vivre encore. Pendant quelques minutes il regarda l’eau avec le mauvais désir de s’y précipiter…

La traversée fut heureuse, Paul en ressentit les bons effets. La griserie de la marche, les brises de la mer, l’enivrante sensation d’être emporté toujours de plus en plus loin vers des pays qu’il ne connaît pas et où il espère trouver la réalisation d’un rêve, exercèrent une bienfaisante influence sur son état moral délabré et jetèrent un baume sur les plaies de son âme mise à nu, par ce départ.

Il vécut même, durant ce voyage, des heures délicieuses dont il se promit de garder le souvenir toute sa vie…

Au niveau de cet étage inférieur des navires réservé aux émigrants et aux gens de basse condition, la vie du large est bien limitée sans doute… Le paquebot creuse dans l’océan son puissant sillon, relève en une sorte de double remblai la masse des eaux que son volume déplace et seul le moutonnement régulier de ces vagues soulevées marque l’horizon borné des passagers du pont inférieur. Mais il reste quand même, ici et là, quelques