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peur, c’est que tu ne reviendras plus au pays et que tu resteras là-bas. Nous sommes bien vieux, mon bon Paul, ta pauvre mère t’en supplie à genoux, que tes malchances ne t’empêchent pas d’être sage et de revenir bientôt. Autrement, j’aimerais mieux mourir tout de suite, et ton père aussi. Vois-tu, à moi, il me semble que tu es plus malheureux que tu nous le dis ; si cela est vrai, sois plus courageux quand même et prie le bon Dieu toujours, comme nous le prions tous ici.

Nous voyons souvent ta petite Jeanne : elle est bien bonne et elle embellit toujours. C’est son grand bonheur de venir nous trouver pour parler de toi ; elle dit qu’elle a bien hâte de devenir ta femme, mais, elle aussi, il lui passe souvent dans l’idée que tu ne reviendras plus et elle pleure. Je pourrais mourir contente si je vous voyais mariés. Vous feriez bâtir une maison près de la nôtre qui ne serait plus assez belle pour vous. Nous faisons bien souvent des projets là-dessus, le soir, avec ton père.

Adieu, mon cher enfant ; les gens de chez nous et aussi monsieur le curé s’informent beaucoup de toi et de quand tu vas revenir ; les voisins te saluent ; pour moi, je sais que je n’ai plus de joies depuis que tu es parti. Conduis-toi toujours comme un homme sage et rangé sur qui on aura jamais rien à dire.