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Aux premiers mots de la chanson, Paul sentit des larmes lui monter aux paupières… Comme lui, il y avait donc sur cette terre d’exil un cœur qui souffrait et qui, pour ranimer les doux souvenirs de la patrie absente, chantait les couplets qui peignent si bien les souffrances et l’ennui du Canadien exilé — Paul écoutait, et la voix continua, plaintive :

Un jour, triste et pensif,
Assis aux bords des flots,
Au courant fugitif,
Il adressait ces mots :

Était-ce un rêve !… Mais, brusquement, comme par un coup de baguette de fée, Paul se crut transporté sous le ciel ensoleillé de son pays, si mélancoliquement évoqué, ce soir, par une inconnue. Oh ! cette voix, comme elle lui rappelait tout-à-coup les douces choses de « chez nous » !… En un instant, il vit tout, le pauvre enfant, tout, jusqu’au plus petit rien, ce petit rien qui s’était passé « chez nous » et qui, subitement, prenait les proportions d’un événement…

Il se rappela qu’il l’avait entendue, une fois entre autres, la touchante ballade, des lèvres mêmes de Jeanne, un matin d’automne, alors que les feuilles commençaient à tomber comme aujourd’hui, tombent, une à une, toutes ses pauvres illusions… La voix qu’il entendait, non, non, ce n’était pas la voix d’une in-