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vieux chêne reverra bien des printemps ; on sait que, là, la vie s’affirme à côté de la mort ; dans les sillons, ensablés par la pluie, les feuilles tombent, légères, sur le duvet de l’herbe qui paraît fraîche encore, tandis qu’auprès de l’âtre, à la ferme, l’aïeule aux yeux éteints sourit au petit enfant qu’elle berce. Les larmes coulent et puis se sèchent.

L’angélus du matin vient de laisser s’envoler ses notes perlées à travers la campagne ajourée, là-bas, au village de Bagotville. L’air est froid, pur et vivifiant. Par intermittence, le soleil, tout pâle répand ses ardeurs impuissantes à travers les nuages qui sillonnent l’étendue : la rosée scintille encore à la surface du sol. Le vieux Jacques Pelletier, avec ses deux grands bœufs roux, quitte la ferme et traverse d’un pas lent, presque déjà fatigué, la longue route que jonchent des paillassons de feuilles mortes…

Cet automne, Jacques Pelletier est seul pour les labours ; il a été seul, l’été dernier, pour les foins et la récolte. Ah ! le travail a été dur, mais la récolte abondante : et aujourd’hui encore, dans le sillon qu’il creuse, il sème l’espérance pour l’année prochaine… quand l’hiver aura disparu…

Il a bien vieilli, le pauvre père, depuis que son fils est parti, son cher Paul dont on parle si souvent à la maison, à qui il pense sans ces-