Page:Potvin - Restons chez nous!, 1908.djvu/11

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 11 —

mour, avec toutes ses délices, sans ses inquiétudes et ses jalousies.

— Oui, Jeanne, je dois vous quitter, c’est irrévocablement décidé ; rien ne peut plus me retenir, rien… ni l’âge avancé de mon père, que je vais laisser seul, ni la faible santé de ma pauvre mère, ni même ton amour, ma Jeanne ; c’est atroce, n’est-ce pas, ce que je te dis là ?… Mais c’est irrésistible chez moi, ce départ. D’ailleurs, vois-tu, c’est pour notre bonheur à tous que je pars ; nous sommes pauvres ; et cette pauvreté me pèse… Je gagnerai de l’argent, beaucoup d’argent et je reviendrai dans deux ans, dans trois ans ; nous serons riches, nous nous marierons, et comme nous serons heureux ! J’achèterai une terre toute défrichée que je donnerai à ferme, car, tu le sais bien, je n’aime pas les travaux des champs, je ne peux m’y faire… j’aurai d’autres occupations ; et toi, puisque tu aimes cela, tu prépareras le déjeuner, tu soigneras les poules, tu feras des confitures… ne vois-tu pas que j’ai raison de partir ! Mais ne me parles plus de culture, à présent, je t’en prie ; c’est un métier que j’abhorre ; et, d’ailleurs, ce n’est pas un métier que celui dans lequel on ne peut réussir qu’à la condition de se priver de tout…

— Mais que te manque-t-il donc, ici, mon pauvre ami, pour être heureux ? je ne vois