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Puyjalon

car il n’existe pas un animal qui s’y prête mieux. Il suffirait de créer un certain nombre de réserves où pendant trois mois, du 1er juin au 30 août, il serait rigoureusement interdit de recueillir un œuf et de tuer un seul de ces oiseaux. La surveillance économique de réserves de ce genre serait assez facile en s’astreignant à faire ce que j’appelle la « part du feu ».

On a vu précédemment ce que M. de Puyjalon appelle dans ces cas la « part du feu », qu’il avait établie sur ses deux îles, à-la-Chasse et Sainte-Geneviève.

À propos de cette récolte du duvet des eiders, qu’on peut appeler le canard-édredon, nous nous rappelons avoir lu un passage assez amusant d’un grand reportage de l’excellent écrivain Roger Vercel lors d’une croisière du transatlantique français le « Lafayette » accomplie en 1937 au Spitzberg.

« Quand la femelle Eider a tapissé le nid de son duvet, le chasseur arrive et emporte le nid ; la cane obstinée se déplume de nouveau ; le chasseur ramasse cette seconde récolte. La malheureuse bête s’arrache les dernières plumes. Elle a le bréchet aussi nu qu’une poularde à la devanture d’un marchand de volailles. L’implacable chasseur revient encore… Alors, le canard, le mâle, se dévoue à son tour. Avec un égoïsme que toutes les femmes n’hésiteront pas à qualifier de masculin, il a regardé impassible sa malheureuse compagne s’épiler jusqu’au dernier brin, se plumer vive, grelotter à la morsure de la bise. Mais la loi inexorable du nid est là qui l’oblige à se saccager à son tour. Seulement, ainsi qu’on devait s’y attendre. son duvet à lui est dur et rêche comme une barbe de huit jours. Le chasseur revient, mais, au premier coup d’œil, il a jugé la marchandise et s’en retourne.