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Puyjalon

l’existence sur la côte de groupes d’individus qui « allaient aux œufs », comme au Saguenay, on va aux bleuets. Ces dénicheurs d’oiseaux étaient désignés sous le nom de « eggers » que nous pourrions traduire par le mot « œufriers ». Ils disposaient d’une vingtaine de chaloupes de vingt à trente tonneaux chacune et que dans leurs excursions sur la côte ils remplissaient littéralement d’œufs d’oiseaux de mer. Leur principal marché était à Halifax où ces œufs se vendaient parfois plus chers que les œufs de poules. Ces œufs étaient empilés à fond de cale où ils se conservaient pendant plusieurs semaines.

La cueillette de ces œufs constituait donc une véritable industrie, même fermée. Car ces groupes de dénicheurs ne souffraient pas d’étrangers parmi eux. Ils pourchassaient les pêcheurs qu’ils surprenaient à recueillir pour leur compte des œufs dans le champ de leurs opérations. Ils avaient des armes et s’en servaient au besoin. Bayfield assure dans son journal qu’un bateau de vingt-cinq tonneaux, au cours d’une saison propice, pouvait réaliser une somme de 200 louis dans ce commerce d’œufs.

On peut juger par là des quantités prodigieuses d’oiseaux aquatiques nichant sur la côte nord, sur les îles et les îlots du littoral. Or, cet immense peuple d’oiseaux de toutes sortes, pendant des années et des années, a été terrorisé par les « œufriers », les homardiers et autres chasseurs sans vergogne. Ils allaient disparaître quand de bons amis surgirent parmi d’autres humains pour réclamer leur protection et, partant, leur survivance. Bientôt des lois sévères furent mises en