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Puyjalon

Henry de Puyjalon était d’une taille au-dessus de la moyenne, d’une solide carrure et d’un tempérament qui devait aisément l’aider à braver les rudes randonnées qu’il devait entreprendre pendant les vingt-cinq dernières années de sa vie au Labrador canadien. Ses traits étaient d’une grande finesse : ses yeux perçants, d’un éclat métallique et qui semblaient comme fouiller dans tous les sens l’interlocuteur. Comme disait un de ses amis, on ne pouvait longtemps soutenir une fausseté lorsqu’il braquait ces yeux-là sur vous avec sévérité. Il riait rarement, mais il souriait presque toujours, soit que ce sourire exprimât la satisfaction, l’indulgence ou l’ironie. « Il était gênant », dirait l’autre, avec son visage mi-sérieux, mi-moqueur, et ses yeux pétillants de malice. Parfois, il entrait comme dans une période de « bleus ». Alors tout semblait blesser ses convictions, anéantir ses vues d’un monde en voie de perfectionnement : tout semblait aller à l’encontre de sa nature. On eut dit que les mœurs nouvelles blessaient ses préférences et ses souvenirs.

Henry de Puyjalon était doué d’une culture aussi vaste que variée. Beaucoup de ses amis qui l’avaient intimement fréquenté pendant des années, sans soupçonner son savoir, découvraient tout à coup chez lui, au cours d’une discussion, de solides et profondes connaissances sur des sujets dont il n’avait jamais dit un mot. Était-ce de la modestie ? Était-ce de l’orgueil ? On ne sait guère. Il est des hommes qui possèdent le singulier privilège de se trouver à tous les carrefours, encore qu’ils ne soient pas des personnalités de très gran-