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Puyjalon

châtaigniers aux larges ramures lui composent un visage de passion contenue, de charme grave et de pénétrante mélancolie ».

Passion contenue, charme grave, pénétrante mélancolie, voilà, en effet, ce qui distinguait surtout Henry de Puyjalon. C’est ce qu’il apporta de la terre limousine, et c’est ce qu’il conserva toute sa vie. Il est vrai que sur la terre ferme de la Côte Nord du Saint-Laurent, ou sur les îles qu’il habita, il se trouvait, peut-on dire, toujours comme en un coin de son terroir, à l’ombre des dernières forêts de ce « pays de mystères et de légendes », lisons-nous dans une chronique de Fels, « où l’on subit la hantise des forces obscures, où le Drac » rode dans le brouillard, noir et dangereux fantôme, et hante, parmi les châtaigniers, de farouches solitudes. »

Mais pourquoi Henry de Puyjalon avait-il quitté son pays pour venir s’ensevelir, peut-on dire, dans la sauvagerie de la Côte Nord du Saint-Laurent ? L’esprit d’aventures est profondément enraciné au cœur de l’homme ; et cela depuis les premiers âges de l’humanité ; depuis ces légendaires époques où les mers ténébreuses livraient leurs secrets à des marins sans peur… Et cet esprit d’aventures souffla probablement, comme chez tant d’autres, dans l’âme de Puyjalon. Il partit. Mais nous savons que sous un aspect plus prosaïque le talonnèrent d’autres motifs de départ : des revers de fortune, quoi ! qui ont tenu parfois une grande place dans l’histoire de maints personnages, aujourd’hui mi-historiques, mi-légendaires, et qui ont accompli de grandes choses que l’histoire n’aurait