Page:Potvin - Puyjalon, le solitaire de l'Île-à-la-Chasse, 1938.djvu/29

Cette page a été validée par deux contributeurs.
26
Puyjalon

occidental, bas et un tantinet nuageux. L’eau s’étendait largement entre la bordure des rochers de la terre ferme de Mingan et le ciel, là-bas. Au loin, vers l’Anticosti, une brume indécise flottait, brouillant l’horizon. Des goélands et des mouettes volaient haut au-dessus des îles et de quelques goélettes ancrées dans le havre : on eut dit des accents circonflexes sens dessus dessous semés ici et là dans l’espace. Une odeur de poisson venait de l’ouest d’où parfois on entendait des éclats de rire et des bribes de chants. Un groupe de femmes et d’enfants étaient là, occupés, sous un rudimentaire appentis, à « piquer », à « décoller » et à « trancher » une petite quantité de morues prises, la veille, à la petite pêche, en dehors des îles, et qui avaient été apportées, le matin, par des barges qui n’étaient pas parties au début du mois avec les goélettes pour le « voyage au hareng » dans le bas du fleuve.

« Et alors, M. Vigneau, nous disions que la petite pêche n’est pas meilleure que la grande ?

— Pas meilleure, M. Puyjalon : peut-être pire. Encore si on pouvait se rabattre sur la chasse en hiver !…

— La chasse, ah ! M. Vigneau, la chasse, on dirait franchement qu’elle a fait son beau temps. Entendez-vous, M. Vigneau, la chasse sera bientôt du domaine du passé. Elle aura vécu de même que la pêche si les autorités du pays n’interviennent pas, et sans tarder : si elles n’en viennent pas aux quelques conclusions que j’ai eu l’honneur de formuler dans mes rapports rédigés à la suite d’études de plusieurs années sur la situation de la chasse et de la pêche, particulièrement sur notre Côte Nord qu’on se plaît tant à appeler le pa-