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Puyjalon

la grève. La chaloupe échoua bientôt sur le sable et le passager débarqua. Ayant reconnu l’homme, il cria :

« Hé, là ! on ne reconnaît donc plus les amis ?

Puis il marcha, balançant sur le sable mouvant un grand corps au buste sanglé jusqu’au col dans un « Mackinaw » de cuir brun :

« Et comment ça va, mon bon M. Placide ?…

— Tiens, tiens, mais c’est M. de Puyjalon ! s’écria, joyeux, Placide Vigneau[1]. Comme je suis heureux de vous revoir ! C’est le cas de vous demander quel bon vent vous amène ?

— D’abord, une bonne brise d’ouest qui nous a fait franchir comme en un rêve, les seize milles de Mingan.

— Oui, le vent est bon, asteur, mais depuis deux jours seulement : avant, du vent d’est, de la brume, de la pluie, un sale temps !…

— Pas même bon pour la petite pêche ?…

— …qui sera pas meilleure, cette année, M. Puyjalon, que la grande.

— Oui, je sais, la morue a manqué et on a d’assez mauvaises nouvelles du hareng.

  1. Placide Vigneau a été l’un des fondateurs de la Pointe-aux-Esquimaux, aujourd’hui Havre-Saint-Pierre, chef-lieu de la Côte Nord du Saint-Laurent et siège de la Préfecture Apostolique du Golfe Saint-Laurent. Il vint des Îles de la Madeleine avec d’autres Madelinots en vue d’un établissement sur la Côte Nord. Ils débarquèrent à la Pointe-aux-Esquimaux en 1858. À partir de cette date jusqu’en 1907, il rédigea au jour le jour un journal dans lequel il mentionne tous les événements de la Côte Nord. Ce journal fut repris par son fils Hector, aujourd’hui gardien du phare de l’Île-aux-Perroquets, jusqu’en 1926. Placide Vigneau fut gardien du phare de l’Île-aux-Perroquets, du groupe Mingan, de 1891 à 1923. Il mourut en 1925.