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Puyjalon

ne rien faire », il était, ce jour-là, accompagné de son fils cadet, Raymond-Roger, alors âgé de dix ans, et qui était venu passer quelques semaines de ses vacances avec son père.

Depuis déjà plusieurs semaines, le Solitaire n’était pas sorti de son île où, du reste, à partir de la mort de sa femme, trois ans auparavant, il s’était comme enterré ; d’autant plus qu’alors s’était fait entendre le premier coup de la « sonnette d’alarme ». Alors, il avait senti le malaise angoissant des premiers troubles cardiaques. Et, dans la suite, ce fut constamment dans son être comme une grande lassitude et, souvent, des douleurs lancinantes, de douloureux pincements au cœur. Alors, une sueur froide, abondante, inondait son visage maintenant émacié, amaigri, traduisant à tout instant un inexprimable sentiment d’angoisse. Il se sentait faible, vieilli, malade. Henry de Puyjalon était touché par le terrible mal, celui qui frappe d’ordinaire les ardents, ceux qui se dépensent sans compter. Le cœur faiblissait sous les cruels pincements, les coups de lancette, et semblait s’arrêter tout à coup de battre sous des étouffements.

Il avait alors soixante-six ans. Vingt-cinq ans de courses éreintantes dans le méandre des îles du littoral, pagayant lui-même son embarcation, et dans les forêts, exposé à toutes les intempéries, couchant au hasard des halliers et des rochers près desquels il dressait sa tente, l’avaient prématurément vieilli et s’étaient inscrits sur son visage en un réseau de petites rides, assombrissant sa claire physionomie et sa bonne humeur naturelle…