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Puyjalon

accablé. On l’accuse, par exemple, de mensonge. « Tout chasseur est menteur », dit un dicton qu’on hésite un peu à placer sur le dos de la Sagesse des Nations. Or, il se réjouissait d’avoir pu observer que le chasseur, le vrai chasseur, dédaigne cet esprit dont il est l’objet chez ceux qui participent à cette « forme vieillotte et démodée du scepticisme ».

« Si je n’avais », disait-il, « la confiance la plus entière, la plus candide dans le chasseur et dans ses récits, je voudrais l’acquérir au prix des plus fabuleux efforts, ne serait-ce que pour protester contre les inévitables clichés, répétés de mille manières, depuis Gaston Phoebus jusqu’à nos jours par les gens d’esprit ».

Les chasseurs du Labrador Canadien, comme ceux de tout le pays, comme ceux du monde entier, ont donc eu un défenseur convaincu dans le grand et passionné chasseur que fut Henry de Puyjalon.

Mais il n’est si grand chasseur sur terre qui ne finisse, hélas ! par tirer son dernier coup de feu.

Le 17 août 1905, sur l’Île-à-la-Chasse… C’était l’heure où l’on ne sait plus bien si la brume descend du ciel ou monte de la terre ou de la mer. Mais, ce soir-là, cette brume était transparente, légère. De l’Île, on apercevait la côte presque irréelle, dans l’horizon opaque et ramassé.

Tout le jour, Henry de Puyjalon avait parcouru les bois et les grèves de son île, tirant, ici et là, un coup de feu invariablement suivi de la chute d’un oiseau dont il ne voyait pas l’utilité, ou d’un écureuil, histoire de se dérouiller un peu les bras, Dans cette course « à