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Puyjalon

Le rêveur était ébloui. Tous les gisements qu’il avait cherchés pendant vingt ans étaient là, devant lui ! Il pouvait les toucher, en remplir son canot. Non, ce ne pouvait être un rêve. Il les avait vus, ces granits, ces gneiss, ces micaschistes, tout à l’heure, avant le coucher du soleil, quand il pagayait son canot. Et il savait que Celui qui avait placé là ces rochers avait également caché dans leurs entrailles les précieuses substances dont il était entouré… Tout à coup disparurent à ses yeux toutes ces précieuses matières. Mais à leur place maintenant, il y avait des amoncellements de gemmes, de grenats énormes qui jetaient des lueurs de sang : des tourmalines noires jaillissaient des rochers, et aussi des corindons, des topazes jaunes, des béryls verts et des spinelles bleus étincelant partout. Enfin, surgit, énorme, monstrueuse, une émeraude : une merveille éblouissante dont toutes les couronnes royales de la terre n’auraient pu payer la valeur.

Alors l’homme n’y tint plus. Il s’élança d’un bond vers cette merveille. Une sensation de froid humide le saisit par tout le corps. Il barbotait dans l’eau de la baie où, dans son demi-sommeil, il s’était jeté. De l’autre côté, la lueur du feu de veille des sauvages tremblotait faiblement.

C’était le rêve du géologue du Labrador Canadien…

— Et un autre soir, un soir de printemps.

Henry de Puyjalon est de garde au Phare de l’Île-aux-Perroquets. Assis au pied de la tour d’où fulgure sur le fleuve la lumière du phare, il ne cesse d’admirer la puissante beauté du fleuve en cet endroit : beauté qui