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être long à expliquer, le saumon a cessé de fréquenter nombre de rivières et a diminué lamentablement dans la plupart de celles qu’il fréquente encore. Même la morue se fait rare en plusieurs endroits du golfe où elle abondait autrefois. Des centaines de lacs et de rivières, en certaines régions de la Province, ne contiennent plus une seule truite, comme conséquence de la pollution des eaux ou de pêches abusives, alors qu’autrefois le poisson y « bouillait », pour me servir de l’expression consacrée. Comment peut-il en être autrement puisque, jusqu’au début du siècle, l’on seinait la truite dans tous nos cours d’eau pour l’exporter sur les marchés des États-Unis ? Il n’est donc pas surprenant que l’État, dans un pays aussi jeune que le nôtre, en soit rendu à dépenser des sommes considérables pour des fins de pisciculture afin de réparer tant bien que mal les extravagances des carpons. Et j’appelle « carpon » non pas seulement celui qui fait sauter une frayère à la dynamite ou à la chaux, ou qui utilise des filets, mais également celui qui prend plus de poissons qu’il n’en peut consommer ou qu’il n’en peut sauver. Peut-on imaginer quelque chose de plus stupide que la photographie de deux pêcheurs tenant chacun une interminable brochée de poissons plus ou moins faisandés ! Quelle gloire ! Quel triomphe ! Les journaux feraient une bonne œuvre s’ils se mettaient d’accord pour refuser à l’avenir de publier le portrait de ces héros malfaisants.

Mais il n’y a pas que les poissons ou les crustacés qui soient devenus plus rares. Il en va de même de presque tous les mammifères. Le Sud du Saint-Laurent