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Puyjalon ne fut probablement pas le plus grand de nos naturalistes, mais il a le mérite d’avoir été un des plus clairvoyants. Dans un temps où la faune était encore très considérable et où, pour cette raison, notre population vivait de l’abominable préjugé que la nature devait suppléer indéfiniment aux hécatombes des hommes, ce solitaire jeta le premier un cri d’alarme. Avec son expérience d’Européen, il s’était vite rendu compte que notre faune était décimée dans des proportions telles que se poserait l’un de ces jours le problème de sa survivance. La pêche et la chasse faites en vue du commerce devaient fatalement en souffrir. Quant à la pêche et à la chasse auxquelles on ne s’adonne que pour le plaisir, n’étaient-elles pas exposées à cesser d’être un sport populaire pour devenir le sport des classes privilégiées, comme la chose était arrivée en Europe ?

Puyjalon prêcha dans le désert et il ne put convaincre sa génération. Ni l’exemple lointain de l’Europe, ni l’exemple plus rapproché des États-Unis ne contribua à ouvrir les yeux de ceux qui sans doute considéraient Puyjalon comme un excentrique. La faune avait besoin d’un répit. Elle continua d’être assujettie à une coupe déréglée, sans discernement. La conséquence de cette imprévoyance, c’est que notre faune ne représente plus aujourd’hui qu’environ 30% de ce qu’elle était au début du siècle, d’après le témoignage de certains naturalistes que l’on ne saurait accuser de pessimisme. Veut-on savoir jusqu’à quel point les générations précédentes attachaient peu d’im-