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Peter McLeod

et indiens, et les années n’avaient pas eu à effacer la mémoire d’époques troublées et sanglantes, de scènes sauvages transformées dans la suite en de vagues légendes.

Le petit poste avait donc coulé des jours tranquilles avec ses cabanes entourées du vert sombre des forêts, au bord de la rivière argentée qui s’en allait là-bas en pleine sérénité…

À Chicoutimi, le Saguenay est chez lui, bien chez lui. Tout le pays, ici, lui appartient. C’est lui qui a creusé son lit, largement, d’un cap à l’autre. Il n’est pas un coin de cette terre tourmentée qui ne soit pas ce qu’il est à cause du Saguenay… On le voit, au fond des gorges, écumeux parmi les rocs sombres et si profond que des franges d’écumes bondissantes semblent immobile et figées. D’autres fois, il s’étale dans de longues anses, se faisant calme sous le soleil qui s’attarde sur les coteaux et les caps. Tous les rayons dardant au loin, se reposent sur le miroir aplani de ses eaux. Mais partout, il reste le conquérant, le fantasque ; la rivière aux menteuses langueurs, aux brusques et terribles colères…

Alors le petit clocheton de la chapelle semblait vouloir raconter un passé très court et sans heurts. Il n’était pas moins vénérable et respecté. Il disait la douce mémoire des Pères Dablon, De Quen, Dreuillettes, de La Brosse, de Crespieul, Albanel, qui pendant près d’un siècle, seuls, sans ressources, sans autres armes que leur crucifix, se sont acharnés à suivre jusque dans les recoins les plus reculés de l’ancien « Domaine du Roy », au fond de leurs sombres et mystérieuses forêts, les