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Peter McLeod

tervention, il est vrai, sollicitée, de Peter McLeod, le plus saoul de tous ceux qui maintenant, face au plafond de planches de sapin, au cône de la tente d’écorce de bouleau ou de toile, ou encore sous le ciel luisant d’étoiles, dorment du sommeil réparateur de la brute à bout de force…

Le ciel est clairet : sur un coin de l’immense vélum qu’il développe sur la terre, se détache, sombre, la tour trapue du demi-clocheton de la vieille chapelle des Jésuites que l’on a entourée d’un enclos autour duquel se rangent sagement les maisons de la “concern”.

Sous leur rude écorce frottée aux angles les plus aigus de la vie, la plupart des hommes que Peter McLeod vient de brutalement disperser dans la nuit, sentent palpiter encore un sentiment de foi solide, vivace, superstitieuse : la foi naïve du charbonnier… Et peut-être qu’à ce moment de la nuit, la petite tour de la vieille chapelle, planant dans la sérénité nocturne, au dessus de leur misère, a encore plus d’autorité que le “Boss” sur ces ombres fuyant ici et là dans la clarté lunaire que coupe d’une épaisse barre d’ombre le vénérable clocheton…

Chicoutimi était alors un bourg sans traditions. À l’origine, c’avait été un poste de traiteurs, puis une mission. Il s’étageait sur les deux rives de la rivière Chicoutimi, tout au bord du Saguenay qui coulait à travers deux épaisses forêts couvrant de longues chaînes de caps et dégringolant jusqu’aux rives… Chicoutimi n’eut pas de jours tourmentés. Les pins et les épinettes qui entouraient le paisible poste ne furent jamais les témoins de batailles farouches entre blancs