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Peter McLeod

eux-mêmes, en leur cœur, pour durer ou s’endurer. « Le peuple » dit, quelque part, Thomas Hardy, « les artisans, les ivrognes, les mendiants voient la vie telle qu’elle est bien mieux que les étudiants des collèges. On comprend souvent mieux là les grandes passions. Là, nous apprendrons peut-être que l’amour n’est pas simplement une crise, un drame en acte ainsi qu’on voudrait nous le faire croire dans la littérature aristocratique, mais une longue histoire, un long poème dont le cœur crée tous les jours la beauté… »


C’est dans l’automne de 1832 qu’arriva au Saguenay Peter McLeod, le type assurément le plus légendaire qu’ait fourni cette lointaine contrée et dont, après sa disparition, l’on a parlé longtemps avec des paroles et des gestes de haine mêlés d’admiration, de crainte tout autant que de regret. Son caractère farouche, ses terribles vices, son défaut absolu de tout scrupule justifiaient chez les autres et cette admiration et cette terreur que provoquait sa vie de tous les jours…

Peter McLeod organisa un chantier de bois au débouché de la Rivière-du-Moulin, un peu à l’est de Chicoutimi. Il y construisit une scierie et engagea pour cette dernière et ses chantiers de coupe, tous ceux qui se présentaient : des rebuts de tous les coins des Amériques qu’il menait à coups de pieds. C’était dans ce coin perdu de la province de Québec, comme une sorte de « shangayage » où le capitaine prenait tous les risques dans le choix de son équipage terrier. Établi, d’abord, à son propre compte, à la Rivière-du-Moulin, Peter McLeod devint vite l’associé de William Price