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Peter McLeod

de même, faut-il le dire encore en toute franchise, elle paraissait accorder plus d’attention qu’aux autres. Il était même de toute évidence le préféré. On les considérait comme de bons amis, à la façon dont un homme et une femme peuvent l’être quand ils savent qu’ils s’aiment bien, ne désirant plus rien l’un de l’autre.

Mais pour Peter McLeod, c’était autre chose. Il était le “Boss” et Mary avait dans son esprit humble et peu compliqué une haute idée de la hiérarchie dans une “concern”, au sein d’une exploitation forestière, espèce de seigneurie sylvestre où le patron est maître absolu avec tous les droits féodaux, de mares aux grenouilles ou autres. Jusque là toutefois, de ce côté, tout ne s’était réduit qu’aux plus anodines manifestations du flirt : une œillade en passant, même un innocent baiser escamoté, ici et là, au hasard des rencontres, à la porte de la maison, au grand air, face au ciel, comme avec toutes les autres, d’ailleurs ; scène banale qui pouvait être vue par tout le monde sans qu’il y eut scandale. Fred Dufour, une fois, en fut témoin et en sortit plus fâché que scandalisé.

Un soir qu’il revenait de la scierie, il avait vu Peter McLeod s’arrêter devant la maisonnette de Jean Gauthier. Mary travaillait à croupeton dans son petit potager. Peter McLeod dit quelques mots, de loin, à la jeune fille, puis sauta lestement par dessus la clôture de planches du jardin, s’approcha de Mary et sans plus de façon, l’embrassa à pleine bouche : puis il s’en fut tout bonnement. Mais Fred Dufour en fut tout bouleversé. Cette audace le dépassait.