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Peter McLeod

liasse de billets de banque qu’il posa sur le coffre. Puis, posément, continuant de regarder à travers les deux vitres de l’unique fenêtre, les sommets aux coulées de neige, il dit :

« Fred Dufour, l’un de nous deux doit partir d’ici, et c’est toi. Tiens, voici trois cents piastres ; tu en as assez pour aller faire ta vie ailleurs. Vas t’en…

— Mais pourquoi ? demanda Fred Dufour visiblement surpris du geste de son interlocuteur.

— Parce que celui qui a réussi à battre Peter McLeod ne doit pas rester plus longtemps avec lui.

Fred Dufour prit les billets de banque que lui tendait Peter McLeod, les fourra au plus profond d’une poche de son capot d’étoffe du pays, et dit :

« Peter McLeod, je garde l’argent mais je ne m’en irai pas d’ici. Je reste.

— Ah ! pourquoi, à mon tour ?

— Parce que je ne veux pas quitter Peter McLeod.

Il y eut quelques instants d’un long silence qu’au dehors troublaient les stridents hurlements des scies mécaniques mordant dans les grumes de pin. Peter McLeod fixait toujours les montagnes blanches de neige, de l’autre côté de la rivière. Il détourna, enfin, ses yeux gris de chat de la fenêtre et les porta, sous l’effluve d’une lueur enjouée, vers Fred Dufour :

— C’est bien ; tu peux rester.

Fred Dufour se leva du bout de tronc d’arbre sur lequel il était assis et tendit en silence à Peter McLeod une main large et lourde :

— Prends-tu un coup ? demanda l’Homme de Fer du Saguenay à celui qui l’avait battu la veille.