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Peter McLeod

nom de toute la malheureuse tribu montagnaise, et à la suite du chef, il avait clamé :

« On est pas capable de dire par le moyen d’écriture tout ce que l’on endure, mais on t’envoie trois de nos frères aimés, des chefs, qui te diront tout ce que tu voudras savoir de l’état de notre misère ; on te prie, notre bon père, de les écouter et t’accorder ce que l’on te demande… »

Et Peter McLeod avait souligné avec une décisive énergie et avec des trémolos d’émotion dans la voix :

« Comprends-nous bien, on ne te blâme pas pour cela parce que tu ne connais pas combien l’on souffre de faim et que tu as le cœur assez charitable pour nous prendre en pitié, mais on ne peut rien avoir pour notre usage sans payer avec de l’argent… on ne peut pas t’expliquer, mais crois que nous pleurons souvent notre triste sort. Quand on voit arriver l’hiver, on tremble de peur de nous voir sans de quoi nous habiller et voilà bien des hivers tristes que nous passons de même. »

Et ce dernier cri de détresse, comme il avait mis toute son âme et son cœur à le pousser :

« Nous prions Dieu tous les jours pour que tu vives longtemps et pour que nos raisons te touchent le cœur… Crois donc, c’est pénible après avoir hiverné dans les terres et enduré toutes les misères, la faim et le froid, et que assemblées au lieu ordinaire, le printemps, on voit des familles entières qui manquent ; et, mon Père, on demande de quelle maladie ils sont morts. On tourne le dos en pleurant, et c’est fini. On comprend qu’ils sont morts de faim… On te salue, notre bon Père… »

Le gouverneur avait été touché jusqu’aux larmes. Il organisa une grande fête en l’honneur des délégués du Saguenay et leur fit toutes sortes de cadeaux.

Vrai ! ce furent de belles heures de gloire et d’honneurs… Peter McLeod, la brute, le bourreau, le tigre, il a accompli là une belle et bonne et grande ac-