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Peter McLeod

tirer un plat vers lui, le pencher, et d’un coup de cuillère expert, envoyer le contenu dans son assiette.

Pit Tremblay se lève et sort… Il revient au bout de deux minutes et continue d’avaler… Il n’est pas allé voir ses huskies.

La lumière de la suspension de fer au-dessus de la table s’amuse avec les verres qui sont constamment vides. Le vin de bleuets, qui a fermenté depuis l’automne dernier, commence à échauffer les têtes d’autant que Jean Gauthier a servi comme apéritifs des tombleurs remplis ras bords de whisky blanc… Aussi y a-t-il comme de la fièvre chez les plus jeunes. On s’agite. Des boulettes de pain rayent l’air chargé et on se lance même des os d’un bout de la table à l’autre. On se jette toutes sortes de choses dans les verres. Maintenant, quand un convive veut se lever, il entraîne avec lui sa chaise qui tombe avec un grand bruit. On suffoque, on se tient les côtes… Ah ! la sacrée bonne vie des vivants !…

« Jean… quand tu aveindras ton maudit cornant-cul… tu nous avertiras, hein ?… » C’est Peter McLeod qui n’a que faire de cette « picerine » qu’est le vin de bleuets et qui hurle cet opportun avertissement… Jean Gauthier ne se fait pas tirer l’oreille. Il s’empresse de remplir de son whisky domestique, dont il a un plein baril, les verres où stagne un reste de vin rouge…

« Voyez, ce sacré salaud de Jean qui nous faisait boire du jus de gadelle !… gardais-tu ça pour tes cochons, Jean ?…

On tape du pied, on frappe des mains ; on glousse,