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Peter McLeod

sidéré dans les sociétés dont les hommes vivent aux confins de la vie sauvage.

Il y avait là tout un groupe d’hommes aux pesantes bottes cloutées, aux poings formidables, au verbe rude et à l’esprit lourd. Ils étaient fiers de l’exploit de leur compagnon. Mais ils craignaient aussi. Fred Dufour avait battu Peter McLeod, et alors c’était la disgrâce bientôt, la misère à la suite de son renvoi immanquable de la “concern”.

Bientôt tous se mirent à parler à la fois, grondant, murmurant, criant tout ce qui leur passait par la tête, comme font les hommes à la poitrine large, vivant au grand air, lorsque le whisky fouette leurs dispositions plutôt naturellement taciturnes.

« C’était ben d’valeur » tout de même. Fred Dufour était au moulin de Peter McLeod, bâti au bord du Bassin de la rivière Chicoutimi, leur plus redouté et aimé contremaître. Il avait auparavant occupé le même emploi à la scierie construite également par Peter McLeod à la Rivière-du-Moulin, deux milles plus à l’est. Peter McLeod, qui s’y connaissait en costauds, l’estimait. La situation de Fred Dufour était donc enviable, solide. Un “uppercut” dont il ignorait toute l’effroyable efficacité, compromettait sa position.

Maintenant, du côté de ceux qui avaient le vin pacifique, des doutes s’élevaient sur l’opportunité de ce « direct » primitif, pas le moins du monde scientifique, — qu’est-ce qu’on en savait, d’ailleurs ? — simplement de hasard, ce qui, d’ailleurs, le lui faisait pardonner par ceux qui doutaient le plus de son mérite. Et ceux-là regardaient avec des regards un peu bêtes.