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Peter McLeod

sini, de l’Ashuapmouchouan et de la Péribonka, aussi bien que dans les plaines de la hauteur des terres.

« À quoi servent nos courses, Milaupanuish », disait le chef à Peter McLeod, « à quoi servent nos nuits passées à l’affût dans le Nord ? Le gibier appartient maintenant aux blancs qui sont mieux armés que nous, pauvres sauvages, et qui tirent les bêtes contre toutes les lois de la justice et de l’humanité… » Ici l’indien, prudent, baissait la voix, jetant de ses yeux globuleux emprisonnés sous ses lourdes paupières, des regards de méfiance aux deux commis de la Compagnie qui ne l’écoutaient pas, d’ailleurs, dormant à demi, la tête sur le comptoir…

« Nous n’avons donc plus, ô Milaupanuish, qu’à nous laisser mourir de faim, nous, nos femmes et nos enfants, si l’on ne vient pas à notre aide, comprends-tu ? Tu ne passerais pas une lune dans nos terres que tes entrailles seraient secouées comme des taillis sous le vent du nord, devant la misère de nos familles ! C’est terrible, tu sais ! Dans nos cabanes on gémit sans cesse, lamentablement. Rien à manger, entends-tu ? Ceux qui ne peuvent pas partir dans le bois, pensent à peine à entretenir les feux. Depuis Manouan, là-bas, au nord, jusqu’ici, notre vie s’est rétrécie de tout ce qui l’entoure. Les hommes forts sont devenus faibles et les faibles succombent. Entends-tu, Milaupanuish. c’est terrible, terrible !… Nous, les chasseurs, jadis solides comme des chiens, nous ne rapportons plus de nos courses que de coriaces gibiers qui ne valent rien. Crois-nous, il y aura de grands drames dans la forêt si ceux qui ont été chargés de veiller sur la vie ne vien-