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Peter McLeod

des bois effarants, aux innombrables fûts, splendides, supportant des âges insondables, avec leurs lourdes branches entrecroisées en voûtes, tissant le mystère en plein jour… Où vont se perdre ces rivières torrentueuses dont les eaux se ruent, toutes blanches, à travers les fouillis verts, semant ici et là, des lacs et des lacs, encore et toujours ; formidable gruyère aux yeux glauques, infinis ?…

Sauvagerie sans nom !… Elle a frémi quand même de tout temps au contact de la vie ! Des générations d’indiens s’y sont multipliées qu’ont violé des hordes de sang-mêlés, de blancs même, coureurs d’aventures, chercheurs d’or, chasseurs de bêtes ; gens de sac et de corde qui formèrent ici et là, dans ces terres sans limites, des agglomérations où se ruaient en troupeaux toute la racaille des villes du monde qui avait réussi à percer d’une fabuleuse tarière une muraille de glace et de neige derrière laquelle on luttait contre une épouvantable épopée !… Un grand monde à demi animal, hostile à l’autre, le civilisé !… Un monde terrifiant où tout est couleur de fantôme !…

Ici et là, des stations de fourrures s’élevaient aux époques où les indiens et les trappeurs descendaient du fin nord chargés de peaux de bêtes… Et voici ces postes, ces fortins entourés de campements, de “tepies” coniques, de wigwams écrasés, abris abjects où s’entassent dans une dégoûtante promiscuité, dans la saleté et les vices, une humanité douloureuse, de la chair souffrante, des cœurs ulcérés, unités de troupeaux anonymes où chaque bête se presse l’une contre l’autre, comme pour trouver la sécurité contre l’é-