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le tour du saguenay

agite ses flots comme sous les efforts de l’ouragan dans les bois de tes pères… Et le canot de Mayo ne veut plus avancer. Le père de nous tous avait reçu du Très-Haut une promesse solennelle. Dans ses instants de détresse, il n’avait qu’à crier vers lui pour éprouver aussitôt les effets de son bras vengeur. Le Sublime Chasseur jette un cri vers le ciel et il s’apprête à dompter le monstre qu’il cherche à distinguer au milieu du fleuve. Enfin, il aperçoit sa face grimaçante et il voit sa tête affreuse qui se dirige vers lui. Mayo nage avec vigueur vers la rive. Tout à coup, le monstre fait un bond et s’élance sur le canot du géant. Mais Mayo l’attend ; à cet instant une force surnaturelle se glisse dans ses veines ; il saisit la bête au vol et la prenant par la queue, il la fait tournoyer au-dessus de sa tête, puis lui brise le front sur le mont qui s’élève ici. Le démon n’était pas encore sans mouvement : pourtant cette tête endurcie avait broyé la roche, faisant au flanc du cap une large échancrure… Par trois fois l’impitoyable chasseur battit ainsi de la tête du monstre le grand mont blessé… Et voilà, mon fils, la raison de ces trois larges entailles que tu vois dans ce cap au sommet duquel, depuis, aucun arbre n’a poussé. »

« Ainsi parla Œil-de-Hulotte-, puis aux pieds du cap immense dont le dernier écho venait de répercuter la voix sonore du chef, le silence se fit. Le feu de sapins s’éteignit et les rêves vinrent bientôt errer sur ces grèves sauvages jetant l’oubli sur le merveilleux récit… »[1].

  1. Cette légende a été dite en de beaux vers classiques par Derfla — l’abbé Alfred Tremblay — dans l’Oiseau-Mouche, publié au séminaire de Chicoutimi.