Page:Potvin - Le membre, 1916.djvu/64

Cette page a été validée par deux contributeurs.

VII

« The Labrador & Gulf Stream Improvement Co. Limited »


Edward White n’était pas précisément né journaliste, mais il l’était devenu à un degré étonnamment au-dessus du zéro de la profession. Il avait acquis le physique parfait de l’emploi : le dos légèrement voûté, les cheveux à la Pompadour, les yeux fureteurs et perçants, la moustache en demi croc et, avec cela, le binocle « obligato », personne ne pouvait le prendre pour un autre que pour un journaliste. White avait élevé le « scoop » à la hauteur d’une institution et il prétendait bien ne jamais le faire descendre de là. Il avait sur ce chapitre du « scoop » des conceptions sublimes ; pour une primeur, il eût vendu son âme et donné sa vie. Le fait est qu’il risqua souvent cette dernière à la recherche de la nouvelle à sensation. De l’audace, il en avait à revendre au rabais sur tous les marchés du monde, et Danton, qui avait répondu à la Législative : « De l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace » était son homme. Bref ! White eût été capable d’aller demander au Roi d’Angleterre son opinion sur le dernier corset et à une grande actrice ce qu’elle pense du tarif préférentiel.

Depuis longtemps, Edward White était convaincu que le journal sert à autre chose qu’à envelopper les