II
Le Pique-Nique des Ministres.
L’aurore avait à peine retiré ses doigts de rose qu’un convoi spécial du Québec-Central emportait vers Saint-Vidal le groupe des ministres de la province tout joyeux de la perspective de quelques heures passées au vert.
La journée s’annonçait radieuse.
Le soleil, déjà, ardait sur tout le front de la ville ; l’air était traversé par des cris d’oiseaux et, dans le bleu du ciel, des gazouillements prolongés se croisaient comme s’il pleuvait des sons. Des disques dorés se dessinaient partout sur le sol ; l’eau était azurée. Et il faisait bon aspirer les lueurs fraîches, les souffles vifs de ce matin de juillet.
Le convoi a quitté les banlieues et file maintenant à toute vitesse à travers la campagne. Les ministres papotent comme des écoliers en rupture de ban, un jeudi de congé. Ils sont vêtus en nankin et coiffés de panamas ; ils ont des kodaks et des jumelles en bandoulière. Sur les banquettes, s’entassent des sacs de voyage bondés de provisions de toutes sortes, enchevêtrés de cannes de pêche et de carabines Winchester.
« Enfin ! partis… s’exclame tout à coup, le premier ministre, l’honorable Omer Thouin. C’est décidément, une excellente idée qu’a eue ce bon Adolphe Lepire de nous inviter à l’aller rejoindre à Saint-Vidal.