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LE « MEMBRE »

de politicien, l’ont fortement ébranlé ; il est encore brûlant de la fièvre d’une maladie terrible, mystérieuse ; il vient de passer des nuits d’angoisse déchirant toutes ses pensées à l’obsession d’un seul mot : VENDU !

Son front de fièvre écrasé sur la vitre glacée d’une fenêtre, Donat regarde, au dehors, le mélancolique paysage hibernal des campagnes de Beauport. La neige tombe à flocons pressés, silencieusement, adoucissant de sa nappe virginale tous les contours brusques, mettant sa ouate immaculée sur les bruits du monde… Comme à travers un voile, Donat voit les grands peupliers élever vers le ciel des bras décharnés et chargés de givre. Nul bruit, ni au dehors, ni au dedans… La chambre est un tombeau où il est seul avec ses souvenirs. Et quels souvenirs !… Le froid de la vitre éclaircit, semble-t-il, son cerveau malade et il en dissipe les brumes épaisses qui s’y sont amoncelées depuis de longues semaines. Il se rappelle maintenant plus distinctement les derniers événements.

Il se souvient que l’on a fait une enquête sur les accusations portées contre lui par le « Dominion » ; une enquête sévère dont tout le poids est retombé sur lui… sur lui seul… Mais les autres ?… Ceux à qui il a donné de l’argent pour lui aider à faire passer le Bill 600… Ils étaient aussi coupables que lui, ceux-là !… Et ils sont libres !… et ils sont considérés, Quoi !… on ne connait même pas leur nom !… On ne les montre pas du doigt !

Hélas ! on n’a pas même voulu entendre son témoignage dans cette enquête de malheur. Il se le rappelle bien maintenant… non… on ne l’a pas interrogé.