Le député, serrant de tous côtés les mains qui se tendaient vers lui, entra précédé du maire.
Lamirande se détacha aussitôt du groupe et alla se joindre à son ami qui prenait sa place à la table d’honneur.
« Un succès, mon vieux, un triomphe !… Ta prochaine élection est désormais assurée. Tu vois comme j’ai bien arrangé cela… »
Maintenant, tout le monde est à table, et, un instant, la parole est aux fourchettes. Mais les premières bouchées avalées, les cris, les lazzis, les bons mots, les interpellations fusent de tous les côtés.
« Voilà une petite soupe, fait remarquer à haute voix, Jérémie Bicorneau, le comique de la place, qui est bougrement meilleure que la soupe aux « arbres Saint-Jean » de Catherine… »
Tout le monde éclate de rire, et, du coup, Bicorneau est le héros de sa table.
Aussi, encouragé par son premier succès, Bicorneau continue :
« Asteur, dit-il, i va s’agir d’savoir si c’est avec la fourchette, avec le couteau ou avec la cuillère qu’on va débiter c’t’espèce de hareng boucané…
— Ça, c’est une entrée, qu’on appelle, fit remarquer à Bicorneau son voisin qui avait déjà assisté à un banquet des Assureurs-Vie à Québec.
— Eh ben ! ton entrée, mon vieux, hurle Bicorneau, on va se l’entrer là pour pu qu’a sorte jamais…
Et il avala d’une bouchée la malheureuse sardine à l’huile.
Tous les convives se tordent et la vague de joie