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LE « MEMBRE »

se livra à la suite de ripailles en règle à une danse tellement bachique, tellement scandaleuse, qu’il en indigna son fils Cham lequel pour ce sujet fut maudit, comme on le sait, jusqu’à la consommation des siècles ; châtiment mérité, du reste, auquel personne n’a encore trouvé à redire. Depuis ce temps, la race humaine n’a pas cessé de montrer sa joie en dinant copieusement : elle a même pensé que ce qui convenait à la joie pouvait également convenir à la tristesse, en vertu, probablement de la Sagesse des Nations qui veut que les extrêmes se touchent et, de même que nous n’avons qu’un seul costume pour les mariages et pour les enterrements, ainsi on a institué les repas funèbres, les repas de noces, les repas officiels et les repas d’anniversaires.

Quoi qu’il en soit, a fait, un jour, remarquer avec esprit un journaliste, l’usage de faire bien manger les gens pour leur faire partager notre allégresse, apparaît, en réalité, sous un jour peu flatteur pour la nature humaine, et, à la rigueur, une carte d’invitation à un banquet devrait vouloir dire à celui qui la reçoit : « Mon bonhomme, comme il ne t’arrive pas tous les jours de manger à ta faim, j’ai songé, pour te rendre l’humeur un peu plus folâtre, que le meilleur moyen serait de te nourrir sans qu’il t’en coûte ; alors, viens donc dîner avec moi… »

Le banquet offert à Donat Mansot avait lieu dans la salle publique de la paroisse de Saint-Médor, le chef-lieu du comté. La pièce était somptueusement décorée de banderoles tapageusement tricolores piquées ici et là, de couronnes de verdure artificielle qui entou-