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LE FRANÇAIS

le départ de l’engagé. Enfin, sentant qu’il ne lui fallait pas éternellement rester en cet état de mutisme, Jean-Baptiste Morel chercha à se mettre en travers des idées de sa fille.

Il était de son devoir de père et de patriote, essaya-t-il de démontrer à Marguerite, de s’opposer à cet amour qu’elle venait de lui annoncer. C’était pour son bien, uniquement, de même que dans ses intérêts. Ce parti qu’elle avait choisi ne pouvait pas être le sien… Elle n’avait assurément pas réfléchi et s’était laissée aller trop vite à un mouvement de son cœur. D’ailleurs, Léon Lambert était-il bien un parti ? Il était un jeune homme solide, travailleur, honnête, c’est vrai ; il le savait mieux que tout autre. Mais qu’était-il au bout du compte ? un enfant trouvé, un étranger, dont on ne savait rien, dont on ne connaissait rien de la famille, du passé… Voyons, il fallait réfléchir !…

Il avait l’habitude, dans tous ses projets d’associer intimement l’avenir de Marguerite au sort de sa terre :

« Je t’ai souvent parlé de ton avenir, Marguerite, et de ce que notre terre sera ; c’est grave, ça ! c’est une chose qui m’occupe et qui m’tracasse continuellement. J’veux surtout qu’tu sois heureuse, Marguerite ; et tu vas pas t’imaginer, j’suppose, que j’voudrais faire quelque chose qui serait contre ton bonheur. Tu sais qu’c’est l’contraire, hein ? J’veux ton bien autant et plus que celui de ma terre… »

Le père se faisait tendre, plaintif, larmoyant…

« Me v’là seul, tout fin seul avec toi, Marguerite, sur not’terre. Toi et ma terre c’est tout ce qu’il y a