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LE FRANÇAIS

engagé qui était pourtant en ce moment l’unique objet de sa rancœur.

Un jour, Jean-Baptiste Morel sentit s’élever en son cœur un grand espoir. Un prétendant, entre maints autres, était venu qui réaliserait tous ses désirs. C’était Jacques Duval. Marguerite et lui avaient fait connaissance au cours d’une veillée au village. Le jeune homme paraissait sérieux et, dans les rencontres qui suivirent, Marguerite sembla lui manifester plus de sympathie qu’elle n’en avait montré aux autres.

Jacques Duval était un joli garçon, aux belles manières, qui parlait bien et fort, et à qui son père réservait un bel avenir. Il avait des cheveux noirs crépus qu’il savait relever haut, et le teint toujours frais. Tout jeune encore, il était grand, fort, noueux comme un érable… Mais quoique ses épaules fussent solidement attachées, il ne représentait pas le type du jeune cultivateur canadien, athlète aux bras musculeux et aux mains larges et épaisses, apte à livrer à une terre opiniâtre la lutte courageuse et sans répit qui lui arrache le pain qui perpétue la vie. Il avait quelque chose de mièvre et d’emprunté. Il était un peu maniéré et cela tenait à de fréquents voyages qu’il avait faits à Montréal, à Ottawa, et dans les petites villes du Témiscamingue ontarien, de l’autre côté du lac, à Cobalt, à Haileybury, à North Bay. Il était même, un jour, allé aux États-Unis où son père l’avait envoyé pour voir des parents émigrés depuis un quart de siècle dans la Nouvelle-Angleterre. À cause des souvenirs qu’il avait rapportés de ces voyages, des anecdotes