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LE FRANÇAIS

habitants du « pays de Québec » que la maison, qui est la sienne. Elle est sacrée et elle a une âme immortelle, comme ceux qui l’occupent. On y croit et l’on a le devoir de la conserver. Depuis la cahute du défricheur jusqu’à la maison peinturée et sur laquelle pèse l’ombre de grands arbres, bien des années se sont écoulées ; il y a eu des morts, et c’est leur souvenir qui doit rendre éternelle l’âme de la maison : « La foi dans la maison », a dit Henry Bordeaux, « est la foi dans la Maison Éternelle où revivent les morts dans la paix ».

La maison se modifie à mesure que passent les générations ; l’on n’a pas toujours su conserver les habitudes et les goûts des anciens, mais pour celui qui y est né, qui y a demeurance, c’est toujours et quand même la Maison. C’est comme un petit royaume qui s’agrandit, qui se modifie mais où ne doit pas s’éteindre la dynastie régnante. L’honneur de porter la couronne passe, d’ordinaire, du père au plus jeune des garçons. Les autres sont établis, souvent, depuis longtemps, sur des terres des environs, quand le père ayant succombé à la tâche, la maison est passée automatiquement, sans révolution, sous le règne du benjamin de la famille. Si les garçons font défaut, c’est à la plus jeune des filles de placer la couronne du roi défunt sur la tête de celui que son cœur choisira pour régner ; mais encore faudra-t-il que le nouveau roi soit du même sang, de la même condition que ceux de la maison… autrement, la dynastie s’éteindrait. D’autres souvenirs s’attacheraient aux vieux murs, aux arbres, aux champs…