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LE FRANÇAIS

faulx. Mais, sans doute, fatigué de sa longue course, il s’endort trop et il ne prit pas le temps d’attendre jusqu’au bout.

Le soleil ne prit pas le temps d’attendre, et pourtant, ce ne fut pas long. À peine eut-il plongé derrière le pic ontarien que le dernier faucheur, Jacques Duval, que les autres qui avaient fini, attendaient, jetait par terre, harassé et geignant, se plaignant d’une entorse, la dernière fauchée blonde.

Le Français était vainqueur.

Aussitôt, la nuit tomba sur la prairie comme un vol de plumes noires de corneilles.

Alors, dans toute l’étendue du champ, les grillons se mirent à jouer des cymbales et les sauterelles à sauter de joie de veilloche en veilloche. L’air s’embauma de toute l’odeur du foin coupé dans la journée et, tout-à-coup, l’on vit la lune grimper sur un nuage gris qui traînait paresseusement au ras de l’horizon ; aussi curieuse que le soleil, le matin, la lune se mit à regarder aussi loin qu’elle pouvait dans les campagnes du Témiscamingue.

Elle apercevait à l’extrémité de la prairie du ruisseau à Jean-Baptiste Morel, pressés autour de Léon Lambert pour le féliciter et l’acclamer, tous les faucheurs et les femmes du Rang. Contente, elle éclaira le groupe tant qu’elle put de toute la splendeur de sa lumière laiteuse qui blanchissait tout le pré. Dans le champ voisin, les enfants, pour fêter la fin de la corvée, avaient fait une meule de foin bleu et de branchages qu’ils avaient allumée et qui, soudainement,