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LE FRANÇAIS

Il eut la sensation d’une vie nouvelle qui surabondait en même temps qu’il lui semblait éprouver la révélation d’une existence fondée sur un sentiment en lui, depuis longtemps, impérieux et profond, et qui était l’amour de la terre. Il sentait qu’il l’aimerait aussi profondément que l’aimait son maître, cette terre québécoise. Il en savait déjà les beautés et il en connaissait les aspects. À certains moments, par une pente mystérieuse de son âme, il avait l’impression qu’il avait toujours vécu dans ce coin du Témiscamingue québécois où l’on ne devait pas plus le prendre pour un étranger qu’il ne prenait les gens autour de lui, besognant, labourant, semant, pour des hommes autres que ceux parmi lesquels il avait été élevé et qui lui étaient familiers. Il aurait pu en appeler plusieurs par leurs noms, et il applaudissait à leur ardeur au travail. Du trécarré, sur la colline où il aimait à se rendre souvent, il apercevait, tassé dans des bouquets de saules et d’érables, le village où il était allé quelquefois, pendant sa convalescence, avec Jean-Baptiste Morel et sa fille ; et ce village, il le connaissait aussi bien que le sien, là-bas dans les Cévennes lointaines…

Maintenant, la glèbe s’échauffe, chaque jour, et les mottes des labours jettent, en séchant, comme l’expression d’un désir d’épanouissement que satisfont bien vite les pousses des céréales qui s’empressent de les entourer d’un collier vert…

Et l’été était venu. Les oiseaux, dans l’air plus chaud, s’élançaient avec plus d’allégresse. Sur les plateaux du Témiscamingue québécois, l’on assistait, tous