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LE FRANÇAIS

Celui-ci, tout jeune, n’était pas encore la roue de métal en fusion qui signale, le matin, les levers de l’astre, aux jours torrides de l’été ; c’était des flammes moins vives, d’une teinte plus pâle et que les yeux pouvaient affronter sans trop se mouiller. Il se dégageait à peine de l’hiver, mais il n’en paraissait pas moins résolu de poursuivre, chaque jour, sans obstacle, sa course éternelle, d’un horizon à l’autre. Aussi, montait-il encore, montait-il toujours dans les champs incommensurables du ciel. Maintenant, il avait assez de fiance en sa jeunesse pour livrer bataille aux vapeurs accumulées sur la terre par les neiges fondantes. Les brouillards épais qui couvraient le lac, enveloppant les montagnes et les plaines depuis la fin d’avril, et qui semblaient vouloir séjourner éternellement dans les anses et dans les coulées, attaqués par les rayons à pic, se mirent à céder le terrain. Certains matins humides, la déroute de l’ennemi fut lamentable. Des masses compactes qui couvraient eau et terre furent, en un instant, poussées, refoulées, bousculées, anéanties, tandis qu’au firmament où s’ouvraient de larges voies de lumière, des paquets de nuages confus et enchevêtrés, dégringolaient précipitamment ; alors, la terre rutilait sous de larges bandes d’argent et, plantureusement, renaissait, pendant que l’eau du lac et des rivières chantait amoureusement l’hosannah de la résurrection des glaces… C’est un temps béni pendant lequel tout pousse en une heure plus que pendant l’été, en une semaine de soleil sans pluie ou de pluie sans soleil. L’herbe prend à vue d’œil des teintes foncées, indice