Page:Potvin - Le Français, 1925.djvu/53

Cette page a été validée par deux contributeurs.
39
LE FRANÇAIS

montagnes, il avait été effrayé et il avait mis du temps à se remettre de son émotion. Ce n’était pas tout. Il avait traversé la mer qui lui avait fait grand’peur pour venir en Amérique où on lui avait dit qu’on trouvait de l’or par terre. Là encore, il traîna d’une ville à l’autre pendant longtemps. Une grande crise traversait le pays et partout chômaient les ouvriers. Puis il vint au Canada et arriva, un jour, à Montréal. Là on lui avait dit ; « Il y a vers le nord, des mines d’argent : c’est loin, à Cobalt, près du Témiscamingue… » Il voulut y aller, chercher de l’argent et peut-être aussi de l’or. À Cobalt, on le découragea ; les mines ne donnaient plus. On désertait la ville, on renvoyait les ouvriers et toute la région se dépeuplait des chercheurs d’or qui étaient venus, naguère, s’y implanter… « Que ne te fais-tu colon ? » lui dit, un jour, un employeur charitable à qui il demandait du travail ; « là, de l’autre côté du lac Témiscamingue, il y a un pays riche en culture et où les gens parlent ta langue. » Il résolut de s’y rendre.

C’était l’hiver ; le temps était beau, la glace du lac solide et le chemin bien balisé. Léon Lambert, un matin, partit seul, à pieds, en sifflotant un air du pays cévenole qui lui revint soudain et qui lui fit longuement penser, pendant qu’il marchait, guilleret, sur le chemin de glace, à la maisonnette au toit de briquettes et aux vitres fendillées, à la mère ridée et aux petites sœurs. Il marcha longtemps, pensant et sifflant, dans l’air pur et sain de l’espace immensément libre du lac. Mais il commençait à faire froid. Il toucha son paletot et