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LE FRANÇAIS

cembre, et le froid, très vif, chaque jour davantage, faisait monter continuellement, en une ligne verticale, dans le ciel bas et bleu d’acier, la fumée des cheminées qu’il fallait alimenter constamment.

Un midi, Jean-Baptiste Morel était parti pour la Pointe-au-Vin. Le vent soufflait légèrement et il faisait un froid « sapin ». Pendant la nuit précédente, la neige était tombé à ciel que veux-tu et tout le village, jusqu’au lointain des hauteurs des terres, était si blanc que l’œil ne le regardait qu’avec peine sans se mouiller ; l’on eut dit de lui une immense fleur blanche éclose pendant la nuit entre le ciel et la terre. Le firmament était bas et il semblait que l’horizon s’était rétréci au point de ne contenir que les limites restreintes du village. Dans l’après-midi, le vent cessant, la neige s’était remise à tomber à flocons pressés et épais. Puis, de nouveau, le vent s’était levé, d’abord par bouffées, puis, en rafales prolongées. Il se forma tout à l’entour de la baie comme un rideau de tulle qui s’abaissait et se levait au gré de la bourrasque ; du large, à travers ce rideau et dans les éclaircies, le village disparaissait ou se mettait à danser la sarabande.

La nuit, pendant nos tourmentes hibernales, tombe plus vite comme pressée d’ajouter à l’effroi du vent qui siffle et fait cingler la neige humide, l’horreur de l’obscurité. Bien qu’il fut à peine quatre heures, il faisait déjà noir sur la Pointe-au-Vin où Jean-Baptiste Morel, sa traîne chargée de deux cordes de grosses bûches de merisier, s’est mis en route pour revenir à la maison. Il lui faut de nouveau traverser toute la baie et