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LE FRANÇAIS

dantes de légumes, mais elle ne peut presque plus lui fournir la moindre bûche pour alimenter le gros poêle « à trois ponts » qui est chargé de rendre à la famille la vie supportable pendant les interminables et rigoureux hivers laurentiens. Et l’on voit aujourd’hui, même dans de très jeunes paroisses du « pays de Québec », de vieux cultivateurs qui étaient colons dans leur jeunesse, parcourir, pendant l’hiver, chaque jour, plusieurs lieues, souvent par des tempêtes effroyables, pour aller chercher le bois de chauffage nécessaire qu’ils demandent maintenant à la forêt que, naguère, leur hache, inconsidérément a fait reculer au fond de l’horizon. Même, dans certaines paroisses du jeune Témiscamingue, la forêt s’est enfuie si vite et si loin sous la cognée du défricheur, que le problème du combustible est devenu d’une solution difficile et qu’elle exige pour le cultivateur du temps et, partant, de l’argent. Tel était le cas d’un grand nombre de cultivateurs de Ville-Marie. Tel était celui de Jean-Baptiste Morel. On avait bien conservé des arbres pour le jardin ; l’on avait pas pensé au chauffage…

Cet hiver-là, pendant les mois de janvier et de février, Jean-Baptiste Morel allait chercher son approvisionnement de bois de chauffage à plus de cinq milles de Ville-Marie, sur la Pointe-au-Vin où il avait acheté un lot en bois debout qu’il destinait à lui servir de réserve de bois de chauffage. Pour s’y rendre, il avait à traverser toute la Baie-des-Pères, sur la glace. Et cet hiver fut particulièrement rigoureux. La neige tombait en abondance depuis le commencement de dé-