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LE FRANÇAIS

de l’année à l’autre pour arriver à vivre, mais on aime ça quand même. Vous aussi, monsieur, vous aimez ça, et pourtant vous avez d’là fortune ailleurs. Il est vrai que vous faites ça pour passer le temps, mais n’importe. Vous aimez ça, hein ? et alors, vous trouvez pas qu’les autres ont des raisons de tenir à leur terre ? Moi, mon rêve, c’est de tâcher d’agrandir encore la mienne. C’est vrai que je suis tout seul, mais des temps meilleurs viendront sous ce rapport-là. C’est tout c’que j’veux pour le moment, en attendant mieux.

— On ne saurait, mon cher voisin, ni mieux penser ni mieux dire. J’admire votre raisonnement et j’approuve votre ambition, mais je serai franc avec vous, M. Morel. Vous êtes maintenant seul pour cultiver votre lot, vous venez de le dire, et les ans vont vite… Votre fils s’est éteint là-bas de la mort des héros. Vos deux bras seuls assurément ne peuvent continuer l’œuvre commencée par votre père. Les circonstances sont contre vous, M. Morel, contre vous ; c’est malheureux mais vous ne pouvez rien contre. Vous aimez la terre, la culture, dites-vous, qu’à cela ne tienne ! Je viens de vous le dire, je veux payer pour votre terre le double de ce qu’elle vaut. Avec cet argent, qui vous empêche de vous acheter une autre terre, ailleurs, plus grande même, si vous voulez, plus belle. Ah ! je vous tiens, monsieur Morel, cette fois, je vous tiens.

— Pas tant que ça, M. Larivé, je vous répète que je serais bien content d’vous rendre service mais il y a une chose que tout votre argent ne pourrait pas