Page:Potvin - Le Français, 1925.djvu/356

Cette page a été validée par deux contributeurs.
342
LE FRANÇAIS

ils sont, encore que nombreux, perdus parmi les immensités d’une Amérique saxonne. Mille nouveaux ennemis, chaque jour, les assaillent. Le saxonnisme brutal d’autrefois est devenu l’insinuant américanisme ; une lutte nouvelle s’engage entre l’esprit méditerranéen de la petite France américaine et l’instinct accapareur de l’américanisme. Nos villes se « bouffonnisent » à l’américaine, attirant par le jazz, les pirouettes, et les « coon songs », par les plaisirs factices made in America, par les images grossières et les sensations malsaines des journaux jaunes, par les pétarades à tout propos, par les cirques, le baseball et la boxe… les fils des campagnes les plus reculées du paisible « pays de Québec ». Et l’exode a commencé, lamentable et déprimant, des enfants de la glèbe laurentienne vers la fournaise des villes américaines… et la lutte continue ; et les vides se font autour de la table dans la grande cuisine des fermes, et l’on voit, dans les églises, aux jours d’offices religieux, des taches qui sont les bancs vides de familles entières parties. Il faut les remplacer, ceux qui partent, les terres se multipliant et s’agrandissant ; il faut d’autres bras pour cultiver la terre des aïeux…

Du pays de ceux qui, jadis, semèrent le premier blé de Québec, nous viennent souvent de jeunes hommes solides comme des chênes… Ils sont comme nous, les fils des aïeux…

Le petit-fils de Jean-Baptiste Morel se baissa vers le sol, ramassa une motte de terre et, aussi loin que ses forces menues le lui permettaient, la lança dans