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LE FRANÇAIS

la même « parlure », la même foi, le même amour ardent de la terre, la même endurance, les mêmes prières, les mêmes espoirs et les mêmes chants, les mêmes angoisses et les mêmes joies, le mêmes bon sens, le même franc rire, les mêmes qualités spirituelles de la race française s’épandant abondamment, librement partout où on leur fait place, et qui étaient les qualités de ceux qui sont venus autrefois et qui ont semé là-bas, sur le riche et fécond promontoire de Québec, le premier blé laurentien… De ce premier champ de blé l’on avait fait du pain, et nos pères avaient vécu ! C’était de la chair et ce fut, plus tard, du monde qui marchait, qui travaillait, qui peinait et… qui se battait contre ceux qui voulaient prendre la place… Ce premier champ d’herbes drues aux épis lourds, c’était l’espérance, c’était la vie, c’était l’avenir. Les champs se multiplièrent, s’étendirent autour des clochers. Plus d’un siècle coula puis, dans ces champs dorés, il y eut des flaques de pourpre qui n’étaient pas celles des coquelicots des champs de blé de la vieille France ; c’était du sang, le sang de ceux qui se faisaient tuer pour défendre le blé qu’ils avaient semé et qu’on cherchait à leur voler. Le sang, le sang rouge, généreux, jeune, coula longtemps, engraissant la terre ; puis il s’arrêta. Les saisons passèrent et les jeunes soleils des printemps et les pluies fécondantes des étés continuèrent de donner, chaque année, une nouvelle jeunesse au pays des aïeux qui étaient restés fièrement plantés dans leurs champs, malgré l’invasion triomphante…