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LE FRANÇAIS

cran, mais une grande partie de la vallée du Témiscamingue. De là, le pays, semble-t-il, change d’aspect à tout instant. Ici, c’est une terre aride, rocailleuse, recouverte de maigres arbustes, nue comme un mendiant dont les haillons cacheraient mal la chaire épuisée ; là, un sol fécond avec du gazon gras, de grands et beaux arbres, des rondeurs de santé qui font plaisir. Certes, çà et là, aux flancs des collines qui entourent le village d’un demi cercle, le granit montre encore ses vertèbres robustes mais embellis de mousses, de graminées de toute espèce qui sont à fleur de peau de l’épine outaouaise presque des sourires. La force terrible se fait charme et fraîcheur.

Au pied de la Grotte, Marguerite Morel et Léon Lambert sont comme en extase devant le plus merveilleux morceau que présente la vallée du Témiscamingue, depuis le Long Sault, au pied du lac, jusqu’à la hauteur des Quinze, à l’embouchure de la rivière Blanche. En bas, les flots d’azur de la baie s’arrondissent en un ovale parfait, d’un dessin si harmonieux qu’on dirait la surface d’une coupe remplie jusqu’au bord d’un liquide brillant. Le silence règne sur toute la nature environnante. L’on aperçoit tout le détail des rivages : des futaies où se battent en silence l’ombre et la lumière. Les pointes et les baies, les anses, les crans apparaissent nets, ne perdant rien, même dans l’éloignement, des grâces de leurs formes.

« Regarde donc, Léon, là-bas, la Pointe-au-Vin, on la dirait tout proche », fit remarquer Marguerite.