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LE FRANÇAIS

de ces oiseaux des massacres effroyables dans les prairies. Des canards noirs arrivèrent du nord qui s’abattaient par couples vers les mares glaciales. Croassantes et braillardes, les corneilles, par troupes compactes, couvraient les labours gris et boueux de l’automne.

Avec cette hâte fébrile que manifeste la nature dans les pays froids, malgré la lune rousse, meurtrière des jeunes pousses et dont le croissant fait des cornes à la façon d’un maléfice, des petits bourgeons jaunes et déjà gommeux, gros comme des têtes d’épingles, apparaissaient par grappes à l’extrémité des branchettes des arbres et des arbustes.

Enfin, aux premiers jours de mai, la féérie coutumière des fécondes floraisons de la rénovation printanière commencèrent pour de bon. L’herbe était partout déjà longue d’un pouce. Les arbres dressaient vers le ciel des touffes de gros bourgeons lustrés, lourds et, dans les panaches des bouleaux, se déployant chaque jour plus larges, le jeune soleil, toujours plus brillant et plus fort, accrochait des diamants par milliers. Les prés étalaient leurs tapis jaunes de pissenlits à perte de vue. Le lac, débarrassé de sa carapace, après avoir pendant les derniers jours d’avril, charrié à grand bruit ses massives banquises, étincelait à présent et ses bords prenaient des airs de fête.

Bref, aux Rogations toute la campagne avait un air superbe. Les arbres que si longtemps l’on eût pu croire morts, revivaient, se décoraient, s’étalaient ; les cours d’eau s’étaient remis à parler, à jaser, à galoper.