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LE FRANÇAIS


XIV


Ainsi que la nature endormie par l’hiver, les hommes, en l’intérieur des fermes, quand ils n’ont pas besogné dans les chantiers en forêts, ont sommeillé durant des mois. Mais l’heure a sonné du réveil, du travail, de la lutte pour le pain, pour la vie. Au commencement d’avril, la neige, l’énorme amoncellement de neige qui recouvrait toute l’étendue du bassin du Témiscamingue, se mit à fondre et à couler le long des pentes pour former dans les moindres creux des vallées et des champs des mares d’eau claire. Les nuits étaient froides encore et, le matin, ces mares étaient des miroirs de glace légère qui disparaissaient aux premiers rayons. L’astre était déjà chaud et les dernières neiges se hâtaient, se hâtaient de s’en aller, ruisselant de droite et de gauche, s’engouffrant dans la terre qui dégelait, coulant vers les rivières et vers le lac, faisant monter dans le ciel, tout le long du jour, des buées douces et lumineuses qui bleuissaient les lointains. Quelques légères couches de neige, molle, flasque, « pourrie », certaines nuits, tombaient encore qui aidaient à fondre l’ancienne. Après ces tombées tardives, les oiseaux blancs, qui perdaient leurs teintes gris-pâle, s’abattaient par grandes bandes dans les champs, et les jeunes garçons posant partout leurs planchettes, leurs attrapes de bois et leurs lignettes en crins de cheval, faisaient