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LE FRANÇAIS

qu’il en avait plein le dos… Vous me croyez, à présent, M. Morel ?…

Jean-Baptiste Morel ne répondit pas. Penché, les coudes appuyés sur ses genoux, sa pipe éteinte, il regardait fixement, par la petite porte du poêle qu’il avait réouverte, passer et danser les flammes vives de la dernière bûche enfouie dans le foyer. Il ne bougeait pas plus qu’une souche de ses terres neuves…

Marguerite, pour se donner une contenance et aussi pour ne pas perdre de temps, avait approché du poêle son dévidoir qui était dans un coin de la salle, et ses mains rapides, se croisant et tournant comme une roue, en des mouvements saccadés, faisaient des pelotons de longues ribambelle de « catalogne » enroulées autour des chevilles du dévidoir. Léon Lambert était rentré dans la cuisine au moment où M. Larivé racontait que Jacques Duval et son compagnon avaient miraculeusement trouvé l’abri protecteur du petit bois de sapins de Fabre, alors que la tempête allait les engloutir. Il avait pris du temps à éteindre son fanal fumeux et il ne s’était montré à la porte de la grand’salle que quand il avait entendu la voix de Marguerite demander : « et après ?… »

Le silence régna dans la pièce, implacable, jusqu’à ce que la sonnerie de l’horloge carrée suspendue au-dessus de la table, eut annoncé dix heures. M. Larivé n’osait plus poursuivre sa conversation avec Jean-Baptiste Morel. Il se leva pour partir :

« M. Morel, fit-il, à part quelques petits voyages que je serai obligé de faire pour mes affaires à Mont-