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LE FRANÇAIS

de venir à Ville-Marie, et le foreman pas plus que les autres n’ont pu le faire revenir de sa folie. Il n’a pas même voulu attendre les portageurs de la compagnie et, un matin, vendredi passé, il est parti, à pieds, en raquettes, avec un ami, Charles Castonguay, de Montréal, qui avait fini son engagement. Il m’a raconté que tout a bien été pendant la journée du vendredi et une partie du samedi. Mais voilà que dans l’après-midi du samedi, alors qu’ils avaient déjà fait une trentaine de milles sur le lac, la tempête les a pris…

« Vous savez, M. Morel, cette poudrerie terrible que nous avons eue samedi soir et toute la nuit d’ensuite… Jacques Duval et son ami ont marché tant qu’ils ont pu dans la tempête, et la nuit les a pris à son tour. La tourmente, terrible, augmentait sans cesse et ils allaient s’écarter sur le lac, alors qu’ils n’en pouvaient plus de froid et de fatigue, quand ils ont aperçu devant eux comme un bois où presque sans connaissance ils se sont jetés…

— Mais c’est épouvantable, ça ! gémit Jean-Baptiste Morel.

« Et après, M. Larivé ?… » jeta, soudain, la voix anxieuse de Marguerite que les deux hommes aperçurent dans l’encadrement de la porte de sa chambre d’où elle avait tout entendu à travers la mince cloison de planches de sapin… « Et après ?… »

«  Jacques et son ami », continua M. Larivé qui continua comme si de rien n’était, « Jacques et son ami, sous les morsures du froid, sans doute, revinrent à eux et constatèrent non sans plaisir qu’ils étaient sous un pe-