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LE FRANÇAIS

de chauffage pour l’hiver, ou encore, se transformer en menuisier, forgeron, serrurier, charpentier ; s’ingénier à rajuster, à clouer les montants des portes et des fenêtres des bâtiments, les ais et les gonds des contrevents, raboter les pavés, rafistoler ceci, cela et cela encore !… tout était toujours à recommencer sur la ferme ! Puis, l’hiver, souvent, du moins quand le père vivait, il lui fallait partir pour les chantiers, au fond des bois, loin de la famille, peiner, geler, travailler dur pour gagner l’argent nécessaire à la maison. Ah ! il avait été rude ce trimage constant, éreintant ! Tout cela, seulement, pour avoir le plaisir, avant de s’en aller, de laisser aux siens une belle terre payante et d’avenir, reluisante au soleil, et de se dire, à l’heure dernière, qu’il avait, au moins, travaillé pour sa famille, pour sa race, pour son pays. N’aurait-il donc pas raison de se fâcher un peu contre elle, sa chère Marguerite qui, d’une simple parole, par l’aveu d’un caprice, venait de briser tant d’espoirs ?…

Son dévouement à la terre avait créé chez Jean-Baptiste Morel des sentiments qu’en un autre temps et en un autre milieu, l’on n’eut pas hésité à qualifier de chevaleresques. La terre avait pour lui un caractère sacré. Porter atteinte à son intégrité, en détacher une parcelle, l’eut révolté ainsi qu’un sacrilège.

Il tirait son courage, sa probité, sa gloire, sa religion, du noble asservissement de la terre. Nativement robuste, aussi serré de grain que la terre forte de ses champs, il avait fortement subi l’influence du sol où